Egon Schiele

Au-delà des témoignages, archives de galeries, documents familiaux ou administratifs, la courte vie d'Egon Schiele est également connue grâce à ses propres écrits : notations diverses et fragments autobiographiques rédigés dans une prose poétique, auxquels s'ajoutent de nombreuses lettres à des amis, amantes, collectionneurs, acheteurs, renseignent sur sa psychologie, sa vie, et parfois son travail ou ses conceptions esthétiques. Quant au Journal de prison publié en 1922, dû à son fervent défenseur Arthur Roessler, il a contribué à fonder le mythe de l'artiste incompris victime des rigidités de son époque.

Biographie

Egon Leo Adolf Ludwig Schiele naît le juin 1890 dans le logement de fonction de son père, chef de gare à Tulln, au bord du Danube, à une trentaine de kilomètres en amont de Vienne. Seul fils survivant d'Adolf Schiele (1850-1905) et de Marie née Soukup (1862-1935), il a deux sœurs aînées, Elvira (1883-1893) et Melanie (1886-1974), mais préférera sa cadette, Gertrude dite Gerti (1894-1981). Son enfance est perturbée par ses échecs scolaires et les crises d'un père probablement syphilitique, jusqu'à ce que, décevant les ambitions familiales mais réalisant une vocation très précoce, il aille se former à la peinture dans la capitale.

Enfance et formation (1890-1909)

Un futur ingénieur ? (1890-1904)

Très liée à l'univers du rail, la famille Schiele y espère une carrière pour son unique descendant mâle. Egon Schiele vient « d'un milieu exemplaire de l'Empire austro-hongrois à son déclin : catholique, conformiste et dévoué à l'État ». Le grand-père Karl Schiele (1817-1862), ingénieur et architecte venu d'Allemagne, a construit la ligne ferroviaire reliant Prague à la Bavière, et Leopold Czihaczek (1842-1929), époux d'une sœur d'Adolf, est inspecteur des chemins de fer. Le grand-père maternel Johann Soukup, d'origine rurale, a travaillé sur une ligne de train en Bohême-du-Sud et aurait été promoteur immobilier : c'est à Krumau (actuelle Český Krumlov) qu'Adolf Schiele rencontre vers 1880 sa fille Marie, qui devient sa femme. Les jeunes époux disposent d'une modeste fortune en actions de la Compagnie des chemins de fer de l'État autrichien, en plus de la position avantageuse que représente un emploi dans la fonction publique de ce pays bureaucratique.

Le séduisant Adolf aime arborer son uniforme de gala ou promener sa famille en attelage — son fils héritera de sa propension à dépenser sans compter. Tulln an der Donau est au tournant du siècle un important nœud ferroviaire et, en l'absence d'autres distractions, l'enfant développe une passion pour les trains : il joue à la locomotive, installe des circuits pour ses wagons miniatures et dès dix ans, s'inspirant des croquis de son père, dessine des gares, des voyageurs ou des convois d'une remarquable précision — adulte, il lui arrivera encore de jouer au train ou d'en imiter les différents bruits. Son père l'imagine ingénieur dans ce domaine et s'irrite de sa prédilection pour le dessin — qui remonterait à ses dix-huit mois — jusqu'à brûler un jour un de ses carnets.

Après l'école primaire, Tulln étant dépourvue d'établissement secondaire, Egon part en 1901 pour Krems an der Donau, où il apprécie plus le jardin de sa logeuse que la discipline du collège. L'année suivante ce sera le Gymnasium de la ville de Klosterneuburg, où son père a pris une retraite anticipée pour raisons de santé. Egon accuse un gros retard scolaire, se renferme, manque des cours. Définitivement dégoûté de l'école, il ne réussit qu'en dessin, en calligraphie et, malgré une constitution fragile, en éducation physique.

Plutôt un artiste (1905-1906)

Bien qu'il l'affecte profondément, le décès de son père va en quelque sorte permettre à Schiele de réaliser sa vocation. L'ambiance familiale pâtit des troubles mentaux paternels. Comme maints bourgeois de son temps, Adolf Schiele a contracté avant son mariage une maladie vénérienne, sans doute la syphilis, ce qui pourrait expliquer que le couple ait perdu deux nourrissons et qu'une encéphalite ait emporté Elvira à l'âge de dix ans. En quelques années il est passé de phobies ou manies inoffensives, comme converser à table avec des hôtes imaginaires, à des accès de fureur imprévisibles : il aurait ainsi jeté au feu les titres boursiers complétant sa pension. Il meurt de paralysie générale le 1er janvier 1905, âgé de 55 ans

Egon semble avoir été lié à son père par une relation très forte. Ce décès est « le premier et le grand drame de sa vie » et, même s'il n'est pas certain que ce père idéalisé eût approuvé son projet de devenir peintre, il « nourrira toujours des sentiments d'affectueuse dévotion pour [s]a mémoire». Ses tout premiers autoportraits, en dandy un peu imbu de sa personne, sont peut-être pour lui un moyen narcissique de compenser la perte du père dont il prétend prendre la place comme « homme de la maison ».

Plus qu'auprès de sa mère, qu'il juge froide et distante, l'adolescent trouve un réconfort dans la compagnie de ses deux sœurs ainsi qu'au sein de la nature, où il dessine et peint quelques gouaches lumineuses. Tombée dans la gêne depuis son veuvage, Marie Schiele dépend en partie de son entourage masculin, notamment Leopold Czihaczek, tuteur du garçon. Egon, qui attend d’elle d'immenses sacrifices, ne lui sera guère reconnaissant d'avoir finalement soutenu sa vocation : il lui reprochera toujours de ne pas comprendre son art, tandis qu'elle ne lui pardonnera pas de s’y vouer égoïstement sans trop se soucier d'elle, et leurs rapports conflictuels donneront lieu à des représentations ambivalentes de la maternité.

Au lycée de Klosterneuburg, le jeune homme est vivement encouragé par son professeur de dessin, Ludwig Karl Strauch, diplômé des Beaux-Arts et grand voyageur, qui lui apporte une ouverture intellectuelle et élabore pour lui des exercices gradués. Il conjugue ses efforts à ceux d'un chanoine critique d'art et du peintre Max Kahrer pour convaincre Mme Schiele et son beau-frère de ne pas attendre que Egon soit renvoyé du lycée. Une formation « utile » est d'abord envisagée chez un photographe de Vienne, puis à l’École des arts appliqués, qui conseille pour l'artiste en herbe l’académie des beaux-arts. En octobre 1906, son dossier ayant été retenu, Egon passe avec succès les épreuves pratiques du concours d'entrée, pour lesquelles même Strauch ne le pensait pas mûr : ses dessins d'un parfait réalisme ont impressionné le jury et il devient le plus jeune élève de sa division.


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